UNE VIE D'AGRICULTRICE
En juin 2021 j’ai rencontré Chantal 61 ans éleveuse de brebis depuis plus de 40 ans. Elle et son compagnon, Thomas, sont à la tête d’un troupeau d’environ 300 brebis sur le causse du Larzac, à 800 mètres d’altitude, à une quinzaine de kilomètres de Millau (Aveyron). Ils vivent de la vente du lait de leurs bêtes à des coopératives de la région qui en font des fromages. Leur petite exploitation, « Les Portes de Revel », produit chaque année 750 hectolitres de lait. Sur leurs 230 hectares de terres, ils ont une maison, un jardin potager attenant, une vaste étable à un kilomètre de là, et des champs de luzerne, de trèfle et de sainfoin où paissent leurs animaux.
« Je suis éleveuse depuis que je sais me tenir debout, moi je suis une fille de paysans, j’ai toujours aimé la terre, aimé les bêtes quand j’étais petite j’étais toujours dans les jambes de ma mère ou de mon père, les vaches, les cochons, la volaille, le jardin, les champs, les moissons, les foins, j’ai toujours accompagné mes parents depuis que je suis toutes petite », confie Chantal. Ses parents avaient une ferme dans les monts du Lyonnais. Après un brevet de technicien agricole et un BTS en production animale, elle s’est installée sur le causse du Larzac au cœur de la décennie de lutte contre l’extension du camp militaire (1971-1981). La mort accidentelle de son mari en 2000 la laisse seule avec ses deux enfants et son exploitation de brebis laitière. C’est en 2004 que Thomas l’a rejointe définitivement sur l’exploitation.
Pendant plus d’un an j’ai documenté la vie de Chantal à la ferme et dans son quotidien rythmé par la vie des bêtes, l’entretien de la grange, du potager, je l’ai accompagnée et écoutée pendant ses promenades, ses silences, une saison complète à suivre cette femme de caractère vieillissante qui a effectué un énième agnelage en 2022 « C’est mon 41e . Je sens bien que je ne récupère plus comme avant. Ça me pompe toute mon énergie. Faut que je dorme en plus cette année: on a beaucoup de triplés, ce qui veut dire beaucoup de pertes. Je supporte de moins en moins de voir des agneaux mourir à la naissance ».
Avec cette immersion photographique, je voulais savoir ce qu’est être une femme paysanne qui a consacré toute sa vie à son métier, sa passion sur une terre agricole peu fertile et où les terres arides subissent de plus en plus le réchauffement climatique comme cet été. L'approche de la retraite apporte à Chantal son lot de questions sur le futur de sa profession.